LÉON BLUM

 

Léon Blum est un personnage incontournable de l’histoire de France, dont le destin exemplaire ne cesse d’influencer tant les modestes que les grands hommes et femmes de notre temps. Mais il a aussi été, pour ceux qui l’ont connu, un homme à l’humilité, à la tendresse, à l’optimisme et à l’humanisme sans frontières.

« Il faut aimer la vie, et travailler pour qu’elle aime chacun de nous1. »


Léon Blum naît en 1872 à Paris, dans une famille de commerçants d’origine alsacienne. Il se voit très tôt attiré par les Belles Lettres, par la Justice et les Arts. Il écrit ses premiers poèmes à 17 ans puis emprunte les bancs de l’École Normale Supérieure, de l’Université de Paris en Licence de Lettres et en Droit, avant d’être reçu au Conseil d’Etat en 1895. En parallèle, il s’exprime dans des revues de critique littéraire et théâtrale puis publie plusieurs essais, se liant d’amitié avec Georges de Porto-Riche, André Gide, Tristan Bernard, Fernand Gregh, Lucien Herr, Anna de Noailles, Pierre Louÿs, Stéphane Mallarmé, Guillaume Apollinaire, Marcel Proust, Jules Renard, Charles Péguy, Henry Bernstein, Gustave Geffroy, Maurice Barrès et tant d’autres, les plus grands intellectuels de son temps.

C’est lorsque le scandale antisémite de l’affaire Dreyfus éclate en 1894 que la politique se hisse au centre de ses préoccupations. Il rencontre Jean Jaurès en 1897, adhère au Parti socialiste Français dès 1902 et fonde avec lui L’Humanité en 1904.

« Voilà longtemps que les hommes travaillent, souffrent et pensent sur cette terre. De quoi est né le socialisme ? De la révolte de tous ces sentiments blessés par la vie, méconnus par la société. Le socialisme est né de la conscience de l’égalité humaine2. »

En 1905, le parti socialiste forme la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière) dont Léon Blum deviendra progressivement -malgré des déceptions- un acteur engagé.

A l’orée de la guerre de 14, Jean Jaurès est assassiné. Dès lors, bouleversé, Léon Blum s’engage auprès de Marcel Sembat pour diriger son cabinet jusqu’en 1917. Fervent de cœur pour Jaurès, il accède au cercle dirigeant de la SFIO en 1919, est élu député de la Seine la même année puis devient président du groupe parlementaire socialiste. En 1920, la SFIO se divise entre partisans de l’Internationale communiste et opposants, dont Léon Blum fait partie en dénonçant la propagande qui suit la révolution russe de 1917. Il dirige le quotidien Le Populaire en 1927. En 1929, il est élu député de l’Aude dans la circonscription de Narbonne grâce au soutien d’Eugène Montel.

« Il y a eu des temps où la grandeur d’un État pouvait se fonder sur la défaite et sur la sujétion des autres ; il y a eu des temps où la richesse et la prospérité d’un Etat pouvaient se nourrir de la ruine et de la misère des autres. Ceux qui croiraient que de nos jours on puisse renouveler ces temps accomplis de l’Histoire se bercent de la plus insensée et de la plus fatale des illusions. Toutes les nations d’aujourd’hui, bon gré mal gré, sont solidaires dans la bonne ou la mauvaise fortune3. »


Les années 30 sont marquées par une crise économique et par la montée du fascisme en Allemagne comme en France, ce qui conduira divers courants de gauche à s’unir. La SFIO et le parti communiste se rassemblent dès 1934, les socialistes et divers radicaux de gauche les rejoignent pour former une grande coalition à l’appel de Maurice Thorez : le Front Populaire. Léon Blum est agressé violemment par des assaillants d’extrême droite en 1936, peu avant la victoire du Front Populaire aux élections législatives. Blum est nommé chef du gouvernement et soulève un vent d’espoir inespéré, mais devient à la fois la cible d’antisémites qui l’injurient. Il parvient toutefois à faire entrer pour la première fois des femmes dans son gouvernement et à apaiser des situations de grève sans précédents par l’adoption de réformes sociales et économiques révolutionnaires : le droit syndical, la hausse des salaires, la semaine de travail de 40h, les congés payés, la retraite des mineurs, les allocations chômage, l’établissement de conventions collectives, les délégués du personnel, la nationalisation de grandes industries (armement, aéronautique, SNCF, etc.), la création de l’office national des agriculteurs, l’électrification de communes rurales, le renforcement du contrôle de la Banque de France, l’évolution de la politique coloniale, les auberges de jeunesse, la scolarité obligatoire jusqu’à 14 ans, etc.

1936 est aussi l’année de son plus grand regret, celui d’avoir été empêché de soutenir les républicains espagnols en lutte contre le Franquisme pendant la guerre d’Espagne.

A la suite de tensions au sein du pouvoir et en particulier du Sénat, d’une presse d’opposition agressive, du contexte politique international, de la situation monétaire fragile et des difficultés à relancer la consommation et à réduire le chômage, Léon Blum démissionne du gouvernement en juin 1937.

Le temps du refuge

A partir de 1939, la Seconde Guerre mondiale le plonge dans une période d’errance, de résistance puis d’inculpation, de détention, d’introspection, d’isolement et de déportation.

Son quotidien Le Populaire cesse de paraître dès l’invasion des Allemands en 1940, puis la France bascule le 10 juillet lorsque les pleins pouvoirs au maréchal Pétain sont votés à l’Assemblée Nationale. Dès lors, tous les Juifs et résistants du pays sont menacés. La Cour suprême de justice s’apprête à chasser les responsables politiques de la Guerre.

Nombreux sont ceux qui, parmi lesquels Franklin Roosevelt aux Etats-Unis, enjoignent Léon Blum à quitter le pays. Mais ce dernier ne peut s’y résigner et vient se réfugier en juin au château de l’Armurier à Colomiers, à l’invitation d’Eugène Montel et de son gendre Raoul Massardy. Ensemble ils participent à la reconstitution clandestine de la SFIO, entretiennent leurs contacts avec les Alliés. Des responsables politiques se rassemblent, ils écoutent la radio, y entendent le discours du Général de Gaulle, ils déchiffrent les messages codés venant de Londres.

Mais le dimanche 15 septembre 1940, Léon Blum, Vincent Auriol et Eugène Montel sont arrêtés par la milice de Vichy.

Léon Blum est interné au château de Chazeron puis à Bourrassol, accusé par Pétain d’être responsable de la défaite de la France pour son impréparation à la guerre. C’est lors du procès de Riom en 1942 qu’il aura l’opportunité de s’exprimer publiquement, avec une éloquence et un génie qui fascinèrent la presse nationale et internationale, jusqu’à retourner la situation et accuser les autorités du régime de Vichy : Hitler est exaspéré, le procès est annulé. Léon Blum est incarcéré au fort du Portalet, livré en 1943 aux autorités allemandes, puis déporté à Buchenwald dans une maison près d’un camp. En 1945, alors que les français le croient mort, il est libéré par les Américains.

« L’objet révolutionnaire n’est pas seulement de libérer l’homme de l’exploitation économique et sociale et de toutes les servitudes accessoires ou secondaires que cette exploitation détermine (…). Notre véritable but, dans la société future, c’est de rendre la personne humaine non seulement plus utile, mais plus heureuse et meilleure et, en ce sens, le socialisme est plus qu’une conception de l’évolution sociale ou de la constitution sociale4. »


Les cinq dernières années de sa vie, il est sollicité à plusieurs reprises par Charles de Gaulle et Vincent Auriol, préside la conférence constitutive de l’UNESCO, écrit quotidiennement dans son journal Le Populaire, publie A l’échelle humaine qu’il avait rédigé pendant sa déportation, négocie les accords Blum-Byrnes avec les Etats-Unis, dirige le dernier gouvernement provisoire avant l’instauration de la Quatrième République, et contribue au traité d’alliance franco-britannique.

Il meurt le 30 mars 1950 à l’âge de 77 ans.

Pas sans les femmes

Léon et Jeanne Adèle « Janot » Blum

Léon Blum a contribué par ses écrits et ses actions à la reconnaissance de l’égalité entre les hommes et les femmes, à la défense de leur indépendance et liberté. Il a également entretenu toute sa vie, dans son intimité, des relations de grandes complicités intellectuelles et affectives. Lise Bloch fut sa première femme en 1896, elle décèdera d’une leucémie en 1931. Il se maria ensuite à Thérèse Pereyra, militante socialiste surnommée « la citoyenne Blum », qui mourra d’un cancer en 1938. Sa belle-fille Renée Blum joua un rôle immense sous l’occupation. Il épousa enfin Jeanne Reichenbach -dite Janot- en 1943, propriétaire d’un domaine à Jouy en Josas devenu aujourd’hui la Maison de Léon et Jeanne Blum, qui l’a soutenu au péril de sa vie pendant la guerre et contribua largement à sa mémoire.

« Chaque siècle a sa tâche dont les autres ne sauraient s’acquitter pour lui. Il faut se mettre en harmonie avec les lois profondes de l’univers et non pas avec les préjugés et les habitudes qui en voilent le véritable sens. Il faut chercher ce qui est la vérité de notre caractère et de notre temps. Comme nos ancêtres l’ont fait eux aussi pour leur temps à eux. Il faut réaliser ce qui est juste dans notre moment de l’humanité. La vérité grandit et s’enrichit d’âge en âge mais il faut la recréer nous-mêmes. Nous ne la trouvons pas dans le testament de nos pères toute faite et prête à servir5. »

 

  1. Léon Blum ; Les nouvelles conversations de Goethe (1901)
  2. Léon Blum, Pour être socialiste, 1919
  3. Extrait d’un discours de Léon Blum en 1923
  4. Extrait du discours de Léon Blum au congrès d’août 1945
  5. Léon Blum, 18 novembre 1897. Citation visible sur la plaque commémorative de la maison Léon et Jeanne Blum à Jouy-en-Josas